5/11/2025
Marie Ezan

Prioriser et mesurer le ROI des projets d’IA générative

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Prioriser et mesurer le ROI des projets d’IA générative, une approche stratégique pour éviter les pièges et maximiser la valeur

L’intelligence artificielle générative fascine par ses capacités, mais son adoption en entreprise ne peut se limiter à une simple démonstration technologique. Trop souvent, les organisations se lancent dans des projets pilotes sans vision claire de leur retour sur investissement, aboutissant à des initiatives isolées, coûteuses et sans lendemain. Ainsi 70 % des initiatives Gen AI échouent à passer le stade du POC (source : Elevate Agency, Enquête IA en France 2025). Pourtant, la véritable réussite ne réside pas dans la sophistication des modèles, mais dans la capacité à identifier les opportunités les plus pertinentes, à les évaluer avec rigueur et à en mesurer l’impact concret sur l’activité.

Le risque est réel : selon une étude de Gartner, près de 60 % des proofs of concept en IA n’aboutissent jamais à une mise en production. Les raisons ? Un manque d’alignement avec les objectifs métiers, une sous-estimation des coûts cachés ou une incapacité à démontrer une valeur tangible. Dans ce contexte, la priorisation des cas d’usage et la mesure précise du ROI deviennent des étapes critiques, bien plus déterminantes que le choix de la technologie elle-même.

Pour éviter ces écueils, une approche structurée s’impose. Elle commence par l’identification des opportunités les plus prometteuses, se poursuit par une évaluation rigoureuse de leur potentiel et s’achève par une mesure fine de leur impact. L’objectif ? Transformer l’IA générative en un levier de performance durable, et non en une succession de gadgets sans lendemain.

Étape 1 : identifier les cas d’usage à fort potentiel

Avant même d’envisager une solution technique, il convient de comprendre les besoins réels des métiers et de cartographier les processus où l’IA générative pourrait apporter une valeur ajoutée significative. Cette phase exploratoire repose sur trois piliers : l’analyse des processus existants, la collaboration entre les équipes et une veille active des innovations sectorielles.

Cartographier les processus métiers pour détecter les opportunités

Une analyse approfondie des flux de travail permet d’identifier les tâches répétitives, chronophages ou à faible valeur ajoutée, qui constituent des cibles idéales pour l’automatisation ou l’assistance par l’IA. Par exemple, dans le domaine juridique, la revue manuelle de contrats ou la rédaction de synthèses peut représenter un goulet d’étranglement majeur, tout comme la gestion des demandes clients dans un service support.

L’enjeu consiste à repérer les étapes où l’intervention humaine pourrait être optimisée, sans pour autant supprimer la dimension critique du jugement humain. Un bon cas d’usage se situe souvent à l’intersection entre une tâche standardisable et un besoin de personnalisation, là où l’IA générative excelle : générer des brouillons de rapports, extraire des informations clés de documents complexes ou encore proposer des réponses types à des questions récurrentes.

Organiser des ateliers collaboratifs pour faire émerger des idées concrètes

Les meilleures idées naissent rarement en silo. Pour identifier des cas d’usage pertinents, il est essentiel de réunir les métiers, la DSI et les équipes data autour d’ateliers d’idéation. Ces sessions doivent permettre de croiser les perspectives : les opérationnels apportent leur connaissance des irritants quotidiens, tandis que les experts techniques évaluent la faisabilité des solutions envisagées.

Une méthode efficace consiste à partir des points de friction exprimés par les équipes. Par exemple, si les commerciaux passent trop de temps à personnaliser des propositions pour chaque client, un outil de génération automatique de documents pourrait libérer du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée. De même, si les ingénieurs peinent à synthétiser des rapports techniques, un système de résumé automatisé pourrait accélérer leurs processus.

Ces ateliers doivent aussi s’appuyer sur une veille sectorielle active. Quelles solutions d’IA générative sont déjà déployées chez les concurrents ? Quels gains ont-elles permis ? Cette benchmarking permet d’éviter de réinventer la roue et d’identifier des cas d’usage éprouvés, réduisant ainsi les risques liés à l’innovation.

Analyser les irritants et s’inspirer des bonnes pratiques du marché

Au-delà des processus formels, il est crucial de recueillir les retours terrain pour comprendre où se situent les véritables goulots d’étranglement. Les équipes opérationnelles sont souvent les mieux placées pour identifier les tâches qui pourraient être optimisées, à condition de leur donner la parole dans un cadre structuré.

Parallèlement, une veille technologique permet de s’inspirer des réussites existantes. Par exemple, dans le domaine de la logistique, certaines entreprises utilisent déjà des agents conversationnels pour générer automatiquement des documents de transport, réduisant ainsi les erreurs et accélérant les expéditions. Dans le marketing, des outils de génération de contenu personnalisé permettent d’augmenter significativement les taux de conversion.

L’objectif de cette première étape est donc de constituer une liste de cas d’usage potentiels, classés par domaine fonctionnel et par niveau de maturité. Certains pourront être mis en œuvre rapidement (quick wins), tandis que d’autres nécessiteront une transformation plus profonde des processus.

Étape 2 : qualifier les cas d’usage avec une grille d’évaluation rigoureuse

Tous les cas d’usage ne se valent pas. Une fois identifiées, les opportunités doivent être évaluées selon des critères objectifs pour déterminer lesquelles méritent d’être priorisées. Cette qualification repose sur une analyse multidimensionnelle, prenant en compte l’impact potentiel, la complexité de mise en œuvre, les risques associés et la capacité à répliquer la solution à plus grande échelle.

Évaluer chaque cas d’usage selon cinq critères clés

Pour éviter les choix subjectifs, il est recommandé d’utiliser une grille de scoring standardisée, attribuant une note à chaque critère sur une échelle de 1 à 5. Voici les dimensions à considérer :

  1. L’impact business : Dans quelle mesure ce cas d’usage contribue-t-il aux objectifs stratégiques de l’entreprise ? Permet-il de réduire les coûts, d’augmenter les revenus ou d’améliorer l’expérience client ? Un gain de productivité supérieur à 20 % ou une réduction des coûts de 15 % justifie généralement une note élevée.

  2. L’effort de mise en œuvre : Quels sont les ressources nécessaires pour développer et déployer la solution ? Un cas d’usage nécessitant des données déjà disponibles et une intégration simple obtiendra une meilleure note qu’un projet nécessitant un fine-tuning complexe ou une refonte des systèmes existants.

  3. La faisabilité technique et organisationnelle : L’entreprise dispose-t-elle des compétences internes, des données de qualité et de l’infrastructure nécessaire ? Un socle data solide et une équipe formée à l’IA générative sont des prérequis essentiels.

  4. Les risques associés : Quels sont les obstacles potentiels, qu’ils soient techniques (hallucinations des modèles), juridiques (conformité RGPD) ou humains (résistance au changement) ? Un cas d’usage présentant des risques élevés de non-adoption ou de non-conformité doit être approché avec prudence.

  5. La réplicabilité : La solution peut-elle être étendue à d’autres services ou géographies ? Un cas d’usage facilement duplicable offre un meilleur retour sur investissement à long terme.

Pondérer les critères en fonction de la stratégie d’entreprise

Tous les critères n’ont pas la même importance selon le contexte. Une start-up en hypercroissance privilégiera probablement la réplicabilité et l’impact rapide, tandis qu’un grand groupe pourra se permettre d’investir dans des projets plus structurants, même si leur mise en œuvre est plus longue.

Une fois les notes attribuées, un score global est calculé pour chaque cas d’usage. ceux obtenant un score supérieur à un seuil prédéterminé (par exemple, 15/20) sont retenus pour la phase de priorisation. Les autres peuvent être écartés ou retravaillés pour améliorer leur faisabilité ou leur impact.

Cette approche permet d’éviter les décisions intuitives et d’aligner les projets d’IA générative sur les priorités stratégiques de l’entreprise, tout en minimisant les risques de gaspillage de ressources.

Étape 3 : prioriser les initiatives avec une vision équilibrée

Une fois les cas d’usage qualifiés, l’enjeu consiste à les classer par ordre de priorité en fonction de leur potentiel et de leur alignement avec la stratégie globale. Cette priorisation doit permettre de construire un portefeuille équilibré, combinant des quick wins pour démontrer rapidement la valeur de l’IA et des projets structurants pour préparer l’avenir.

Utiliser un quadrant stratégique pour visualiser les priorités

Un outil efficace pour cette priorisation est le quadrant impact/effort, qui permet de classer les cas d’usage en quatre catégories :

  • Quick wins (impact élevé, effort faible) : Ces projets doivent être lancés en priorité, car ils offrent un retour sur investissement rapide avec des ressources limitées. Par exemple, l’automatisation de la génération de comptes-rendus de réunion ou la mise en place d’un chatbot pour les questions récurrentes du service client.

  • Projets structurants (impact élevé, effort élevé) : Ces initiatives nécessitent un investissement significatif, mais peuvent transformer en profondeur les processus métiers. Elles doivent être planifiées sur le moyen terme, avec un suivi rigoureux. Un exemple typique est le déploiement d’une plateforme de génération de contenus marketing personnalisés à grande échelle.

  • Projets à éviter (impact faible, effort élevé) : Ces cas d’usage présentent peu de valeur ajoutée pour un coût disproportionné. Ils doivent généralement être abandonnés, sauf s’ils s’inscrivent dans une vision stratégique à très long terme.

  • Projets à étudier (impact faible, effort faible) : Bien que peu prioritaires, ces initiatives peuvent être testées avec des ressources limitées, notamment si elles présentent un potentiel d’amélioration incrémentale.

Mettre en place une gouvernance pour arbitrer les choix

La priorisation ne peut se faire de manière isolée. Elle nécessite la création d’un comité de pilotage dédié, souvent appelé AI Value Committee, regroupant les directions métiers, la DSI, la direction financière et les ressources humaines. Ce comité a pour mission de :

  • Valider les hypothèses de ROI pour chaque projet, en s’assurant qu’elles reposent sur des données tangibles et non sur des promesses technologiques.
  • Arbitrer les conflits de priorités entre les différents métiers, en alignant les choix sur la stratégie globale de l’entreprise.
  • Suivre la mise en œuvre des projets retenus, en s’assurant que les bénéfices attendus sont bien réalisés.

Ce comité joue également un rôle clé dans la construction d’un portefeuille équilibré, combinant des initiatives à court terme pour maintenir la dynamique et des projets plus ambitieux pour préparer l’avenir. Une règle courante consiste à allouer 30 % des ressources aux quick wins, 50 % aux projets structurants et 20 % à l’innovation exploratoire.

Enfin, cette gouvernance doit s’appuyer sur des outils de suivi permettant de mesurer en temps réel l’avancement des projets et leur impact. Des tableaux de bord dédiés, intégrant des indicateurs financiers et opérationnels, sont indispensables pour ajuster les priorités en fonction des résultats obtenus.

Étape 4 : calculer le ROI avec précision pour éviter les illusions

La mesure du retour sur investissement est souvent le parent pauvre des projets d’IA générative, alors qu’elle est essentielle pour justifier les dépenses et ajuster les stratégies. Une approche rigoureuse du ROI permet d’éviter les surprises et de s’assurer que chaque euro investi contribue effectivement à la performance de l’entreprise.

Définir des objectifs business mesurables et alignés sur la stratégie

Avant même de lancer un projet, il est crucial de clarifier les bénéfices attendus et de les lier à des indicateurs concrets. Ces objectifs peuvent appartenir à plusieurs catégories :

  • Financiers : réduction des coûts opérationnels, augmentation du chiffre d’affaires, amélioration des marges.
  • Opérationnels : gain de productivité (heures économisées par employé), réduction des erreurs, accélération des processus.
  • Clients : amélioration de la satisfaction (NPS), augmentation du taux de rétention, personnalisation accrue des offres.
  • Innovation : développement de nouveaux produits ou services, différenciation concurrentielle.
  • Engagement interne : adoption par les équipes, montée en compétences, réduction du turnover.

Par exemple, un projet d’automatisation de la rédaction de rapports juridiques pourrait viser un gain de 20 heures par semaine et par avocat, tandis qu’un chatbot client pourrait avoir pour objectif une réduction de 30 % du temps de réponse et une augmentation de 15 % du taux de résolution au premier contact.

Identifier l’ensemble des coûts, y compris les coûts cachés

L’une des erreurs les plus courantes est de sous-estimer les dépenses associées à un projet d’IA générative. Au-delà des coûts évidents de développement, plusieurs postes doivent être pris en compte :

  • Les coûts de développement : fine-tuning des modèles, intégration avec les systèmes existants, développement d’interfaces utilisateur.
  • Les coûts d’infrastructure : abonnements cloud (Azure OpenAI, AWS Bedrock), stockage et traitement des données.
  • Les coûts d’exploitation : consommation de tokens (le coût par requête peut rapidement s’accumuler à grande échelle), maintenance et mises à jour.
  • Les coûts de changement : formation des équipes, accompagnement au changement, communication interne.
  • Les coûts de conformité : audits RGPD, anonymisation des données, gestion des risques juridiques.

Par exemple, un projet de génération automatisée de contenus marketing pourrait engendrer les coûts suivants sur un an :

  • Développement initial : 50 000 €
  • Abonnement cloud et tokens : 20 000 €
  • Formation des équipes : 10 000 €
  • Total : 80 000 € par an

Sans une estimation réaliste de ces coûts, le ROI calculé sera biaisé, conduisant à des décisions d’investissement erronées.

Sélectionner les indicateurs clés de performance (KPIs)

Pour mesurer efficacement le retour sur investissement, il est nécessaire de définir des KPIs primaires et secondaires, ainsi que des indicateurs qualitatifs.

  • KPIs primaires (impact direct) :


    • Gain de productivité (nombre d’heures économisées).
    • Réduction des coûts (économies réalisées en euros).
    • Augmentation du chiffre d’affaires (ventes supplémentaires attribuables au projet).
  • KPIs secondaires (impact indirect) :


    • Réduction du taux d’erreur dans les processus automatisés.
    • Temps de traitement moyen des demandes clients.
    • Taux d’adoption par les utilisateurs finaux.
  • Indicateurs qualitatifs :


    • Satisfaction des utilisateurs (enquêtes, feedbacks).
    • Perception de la valeur ajoutée par les équipes métiers.
    • Amélioration de l’image innovante de l’entreprise.

Calculer le ROI brut et net pour une vision réaliste

La formule classique du ROI reste valable pour les projets d’IA générative :

ROI=CouˆtsGains - Couˆts​×100

Cependant, il est important de distinguer :

  • Le ROI brut, qui ne prend en compte que les gains directs (ex : économies de temps converties en euros).
  • Le ROI net, qui intègre également les coûts indirects (formation, maintenance) et les risques (échec partiel, résistance au changement).

Exemple concret : Un projet d’automatisation de la rédaction de rapports juridiques génère les gains suivants :

  • 20 heures économisées par avocat et par semaine, pour 50 avocats, sur 50 semaines → 50 000 heures annuelles.
  • Valeur horaire moyenne : 150 € → 7,5 millions d’euros de gain annuel.

Les coûts sont estimés à :

  • Développement initial : 100 000 €
  • Maintenance annuelle : 50 000 €
  • Coûts de tokens : 30 000 €
  • Total année 1 : 180 000 €
  • Total années suivantes : 80 000 €

ROI année 1 :

1800007500000−180000​×100=4060%

ROI année 2 :

800007500000−80000​×100=9275%

Ces chiffres impressionnants doivent cependant être nuancés :

  • Ils supposent une adoption totale par les utilisateurs.
  • Ils ne tiennent pas compte des coûts d’opportunité (que feraient les avocats de ce temps gagné ?).
  • Ils ignorent les risques de qualité (un rapport généré automatiquement peut nécessiter une relecture humaine).

Une analyse complète doit donc intégrer ces facteurs pour éviter les illusions et s’assurer que le projet crée bien de la valeur durable.

Conclusion : de la preuve de concept à l’industrialisation, une démarche structurée

L’adoption réussie de l’IA générative ne relève pas du hasard. Elle repose sur une méthodologie rigoureuse, allant de l’identification des cas d’usage à la mesure précise de leur impact, en passant par une priorisation stratégique et une gouvernance adaptée.

Les quatre étapes clés pour maximiser le ROI

  1. Identifier les opportunités en s’appuyant sur une cartographie des processus métiers et des ateliers collaboratifs.
  2. Qualifier les cas d’usage avec une grille d’évaluation objective, pondérée en fonction des priorités stratégiques.
  3. Prioriser en combinant quick wins et projets structurants, sous le pilotage d’un comité dédié.
  4. Mesurer le ROI avec des KPIs pertinents, en intégrant tous les coûts, directs et indirects.

Passage à l’échelle : industrialiser les succès

Une fois la valeur démontrée en phase pilote, l’enjeu consiste à scaler les solutions sans perdre en efficacité. Cela passe par :

  • La création d’une AI Factory, une structure dédiée à l’industrialisation des projets, combinant expertises techniques, opérationnelles et financières.
  • Le développement de playbooks standardisés pour accélérer les déploiements.
  • La mise en place d’outils de monitoring pour suivre en temps réel l’impact des solutions.

L’IA générative comme levier de performance, pas comme une fin en soi

Au final, le succès de l’IA générative ne se mesure pas à la sophistication des algorithmes, mais à sa capacité à résoudre des problèmes concrets et à créer de la valeur business. Les entreprises qui parviendront à éviter les pièges des projets gadgets, à prioriser avec rigueur et à mesurer avec précision leur retour sur investissement seront celles qui transformeront cette technologie en un véritable avantage concurrentiel.

La question n’est donc pas de savoir si l’IA générative peut apporter des bénéfices, mais comment les maximiser de manière durable. Et cela commence par une approche disciplinée, où la technologie sert la stratégie – et non l’inverse.

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